Nous avons repris deux passages très intéressants écrits par Jean Jouzel sur Médiapart qui expliquent les risques de l’uranium pour l’homme en cas d’ingestion ou d’inhalation, ainsi qu’un passage sur le cas de « Narbonne ».
Qu’il soit dans des boues séchées dans des champs, porté par les vents dans les fumées, ou dans la nappe phréatique, l’uranium est et reste un poison pour l’homme.
Vous pouvez retrouver l’intégralité de l’article sur le site de MEDIAPART en suivant ce lien.
Jean Jouzel est climatologue, reconnu mondialement pour ses analyses de la glace de l’Antarctique et du Groenland permettant de connaitre le climat terrestre passé (paléoclimat), il a passé toute sa carrière au CEA (Commissariat à l’Energie Atomique), il est donc spécialisé dans les questions environnementales liées au nucléaire.
Extraits de l’article :
■ L’uranium un poison qui cache son jeux
L’uranium est la mamelle du nucléaire, sa seule nourriture énergétique et financière. C’est un métal (très) lourd et qu’il soit U238, U235 ou U234 n’y change rien. Sur le plan chimique c’est par ingestion et inhalation qu’il est dangereux comme tout poison. Les composés insolubles inhalés restent dans le conduit respiratoire où ils produisent leurs dommages (émissions alpha) aussi graves (que les formes solubles) pour une concentration un peu plus élevée. L’uranium soluble est absorbé dans le sang d’où il est filtré par les reins. Une partie est éliminée, une partie va sur les os et une partie dans le foie. La première maladie (pour l’uranium non enrichi) est l’affection rénale qui est l’organe cible. Elle amène à des néphrites très souvent irréversibles. Rappelons que nos reins qui représentent 0,5% de notre poids filtrent le plasma de notre sang 60 fois par jour. Les effets sur le système nerveux sont comparables à ceux des autres poisons métalliques que sont le mercure, le cadmium et le plomb. La CriiRad souligne que l’uranium n’est pas arrêté par la barrière hémato-méningée et qu’il se fixe dans le cerveau et le cervelet (ici diap. 60-61). Il a des effets génétiques parce qu’il va aussi sur les gonades. Le seuil de toxicité rénale officiel est 4,9 milligrammes pour une personne de 70 kg (chez le rat la dose létale est 204 mg par kg : perte de poids, hémorragies, système nerveux…).
L’uranium dit «appauvri » (en l’isotope énergétique/militaire 235, il est donc constitué surtout de l’U238) est nettement irradiant au contact et l’uranium naturel pur et “enrichi” évidemment encore plus. Pour l’U238 il y a compétition entre deux effets toxiques distincts, chimique et radiologique. Selon la directive Euratom 96/29 (art. 3.2 et tableau A) la limite à partir de laquelle une pratique comportant la manipulation d’uranium 238 (i.e. “appauvri”) doit être déclarée est de 10 000 Bq/kg ou 10 000 Bq en activité totale. L’uranium appauvri a une activité massique plus de 1000 fois supérieure à cette limite règlementaire et seulement 0,7 g conduisent à dépasser la limite de déclaration sur l’activité totale (l’U238 pur sans descendants émet 12 420 Bq/g; Criirad, ici diapo. 62).
La Criirad explique pour cette composante irradiante de l’uranium “appauvri” (en précisant que les modèles officiels sont très critiquables car basés sur le modèle d’irradiation externe d’Hiroshima-Nagasaki; ici) :
- a) En ingestion (diapo. 58) le facteur de conversion est 0,045 µSv/Bq pour un adulte [Arrêté du 1er Sept. 2003] et donc on dépasse le seuil du risque négligeable de 10 µSv/an avec une ingestion de 0,018 g d’uranium appauvri (U-238) et on dépasse la dose maximale annuelle admissible pour le public 1 mSv/an avec une ingestion de 1,8 g d’U238 (1,2 g pour un enfant de 10 ans et 0,24 g pour un nourrisson) [explication : avec le facteur 10 µg correspond à 222 Bq, or l’U238 pur porte 12420 Bq/g, sans même tenir compte de ses 2 descendants présents en quelques mois, ni des U235 et 234 résiduels].
- b) En inhalation (diapo 59) : le facteur de risque est 10 à presque 200 fois supérieur : 0,5 à 8 µSv/Bq (adulte) et donc les 10 µSv sont atteint avec une ingestion de 0,0016 à 0,0001 g et donc 0,01 g peut conduire à atteindre 1 mSv pour un adulte (0,008 g pour un enfant de 10 ans et 0,003 g pour un enfant en bas âge). Les organes cibles lors de l’inhalation sont les poumons, les ganglions lymphatiques, les reins et os mais d’autres organes sont concernés, le foie, la moelle osseuse, les muscles, le cerveau.
Avec l’uranium, on est dans les poisons virulents.
A quelques kilomètres du centre-ville de Narbonne, c’est les “bassins” de Malvesi et leurs boues à métaux lourds, là où Areva-CEA réceptionne cet uranium du Niger, Kazakhstan et autres (pour les réacteurs atomiques d’EDF notamment), boues qui parfois s’échappent (Fig. 5).
Areva-Malvesi © Wise-Paris, CriiRad
Fig. 5. Areva-CEA Malvesi à 3 km au N-NW de Narbonne fait de la chimie sur les minerais 100% importés. Il y a 18 ha de bassins de décantation avec de la boue “pouvant aller à” 230 000 Bq/kg en Th-230 dans les bassins B1 et B2. En 2004 rupture de la digue Est du bassin B1-B2 (Wise-Paris et Criirad)