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Projet de traitement des nitrates à Orano Malvési à Narbonne : comment la nouvelle enquête publique a accouché d’une souris

La nouvelle enquête publique, menée au mois de juin, concernant le projet décrié de traitement des nitrates sur le site d’Orano Malvési, ne clôt pas les débats qui agitent Narbonne depuis une dizaine d’années. En effet, son résultat risque de ne satisfaire ni les opposants, ni l’industriel, puisque le commissaire enquêteur a renvoyé le dossier, contrairement à 2017, vers une commission d’expertise ou un expert indépendant avant que la préfecture de l’Aude puisse émettre un arrêté d’exploitation.

Explications.

Ce dossier est un vieux serpent de mer qui agite le Narbonnais depuis maintenant une dizaine d’années et qui a connu un nouveau rebondissement ce vendredi 28 juillet. L’enquête publique complémentaire visant à autoriser le projet de traitement des nitrates sur l’usine Orano Malvési de Narbonne s’est déroulée du 5 au 19 juin 2023.

Pourquoi une nouvelle enquête ?

Complémentaire car une première enquête s’était tenue en 2016 avant que le tribunal administratif de Marseille annule, en octobre 2022, l’autorisation préfectorale permettant sur le site de raffinerie d’uranium d’Orano Malvesi le projet controversé de traitement des nitrates (TDN). La justice avait demandé la tenue d’une nouvelle enquête et réclamé des études à l’industriel afin qu’un arrêté préfectoral d’autorisation soit potentiellement re-publié permettant au projet de voir le jour. 

TDN quèsaco ?

Le procédé TDN consiste à une décomposition chimique et thermique de façon à transformer les nitrates en azote moléculaire et de piéger les substances indésirables en déchets solides trois fois moins volumineux, qui a ensuite vocation à être envoyé vers le centre de stockage définitif des déchets radioactifs de Très Faible Activité (TFA) en France de l’ANDRA (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs), autre site industriel dans l’Aube. Pour Orano, il s’agit d’investir une centaine de millions d’euros afin de supprimer à terme les bassins de rétention où sont stockés les déchets depuis soixante ans. Concrètement, le site Narbonnais produit de fortes quantités d’effluents liquides nitratés que l’industriel est obligé de stocker dans ces bassins lagunes d’évaporation d’un volume actuellement de 400 000 m3

561 observations des publics en quinze jours

Se déroulant durant deux semaines, l’enquête publique a récolté pas moins de 561 observations. Alors que les associations de riverains et écologistes critiquaient la rapidité de l’instruction sur quinze jours, elle aura permis toutefois une mobilisation bien plus importante que celle de 2016 où seulement 8 observations avaient été recueillies en quatre semaines. Dans le détail de ces nouvelles contributions, à une écrasante majorité, 521 sur 561, il s’agit d’avis défavorable au projet TDN. On retrouve ici les mairies de Narbonne et Cuxac-d’Aude, les organisations opposées depuis le début à ce dossier (Rubresus, Colere, Sortir du nucléaire Aude, EELV, TCNA) mais aussi le mouvement politique Narbonne insoumise. 

Que disent les opposants ? 

Les angles d’attaque des opposants au projet TDN sont nombreux et n’ont pas véritablement changé depuis dix ans. Si les maires de Narbonne et Cuxac-d’Aude n’ont pas argumenté sur leur avis défavorable, les autres acteurs ne s’en sont pas privés. En résumé, ils remettent en cause “la fiabilité du procédé”, dit Thor, très controversé aux Etats-Unis, “l’impact sanitaire et environnemental” du projet ainsi que “la pollution généralisée des sols sur le site et les rejets”, “la surconsommation en eau”, “les risques des impacts pour la santé des émissions atmosphériques”, “la saturation du centre de stockage Cires” qui recevra les déchets nitratés solidifiés. Autant d’arguments transmis à la société Orano le 26 juin et qui ont valu une réponse de l’industriel le 12 juillet. 

Que dit Orano ?

Concrètement, sur le volet de la fiabilité du procédé, l’industriel réfute les arguments avancés par les associations. Selon Orano, “les recommandations formulées dans le rapport d’évaluation du département à l’énergie américain ne concernent que des éléments de gestion de projet et de construction des installations et ne remettent pas en cause le procédé Thor lui-même”. Concernant les dérives observées Outre-Atlantique, l’industriel envisage “la mise en œuvre du projet TDN par une phase de pilotage et d’un programme de qualification”

Sur les risques sanitaires supposés pour les populations du Narbonnais, là aussi, Orano se veut rassurant à la fois sur les opérations de chantier puis sur la mise en œuvre du procédé. “L’incidence du projet sur la santé est évaluée pour des groupes de population situés à proximité du site et susceptibles d’être les plus exposés aux sources de rejet. Pour l’impact sanitaire lié aux rejets chimiques, les valeurs trouvées sont très inférieures aux valeurs de référence, indiquant que le risque sur la santé est non préoccupant. Pour l’impact sanitaire lié aux rejets chimiques, les rejets atmosphériques du projet TDN conduisent à la dose efficace globale pour la population la plus exposée et qui est 3 000 fois inférieure à la limite de dose acceptable pour le public définie par le Code de la santé publique”.

Les conclusions de l’enquêteur

Déjà aux manettes de la procédure en 2016, le commissaire enquêteur, ingénieur à la retraite et docteur en géologie et minéralogie, semble valider dans ses avis, les différentes réponses apportées par Orano aux détracteurs du projet TDN. C’est le cas sur l’absence de comparaison possible avec les autres projets aux Etats-Unis, sur ce qu’il pense être “l’absence de risques de saturation du centre de stockage” dans l’Aube, ou encore pour les effets sur la santé “avec des valeurs très inférieures aux valeurs toxicologiques de référence”.

Toujours est-il dans son avis final, il émet des réserves qu’il n’avait pas formulées sept ans plus tôt. Ainsi, certes, il prononce “un avis favorable”, comme en 2017, mais cette fois-ci avec réserves en demandant de mandater une commission d’expertise ou un expert indépendant et reconnu permettant de donner un avis définitif favorable sur la fiabilité du procédé Thor, avant d’émettre un arrêté d’autorisation du projet TDN sur le site de Malvesi. Selon l’enquêteur, un doute subsiste sur la fiabilité du procédé qui doit être levé avec une expertise complémentaire actualisée aux conditions techniques actuelles. Une vision différente de celle de 2017 qu’il explique par l’existence sept ans plus tôt d’une “expertise du professeur Bernier qui avait permis de présenter à l’enquête publique un avis favorable au procédé Thor, le jugeant “robuste et faible” sur les bases connues à l’époque. Le public n’avait formulé aucune remarque le remettant en cause”

Il en a été tout autrement en 2023. Affaire à suivre donc…

Source originale : L’Indépendant 

https://www.lindependant.fr/2023/07/30/projet-de-traitement-des-nitrates-a-orano-malvesi-a-narbonne-comment-la-nouvelle-enquete-publique-a-accouche-dune-souris-11369945.php

tcna

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