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Nucléaire : à Narbonne, le projet d’Orano Chimie Enrichissement encore repoussé

Dans le cadre de l’ouverture d’une enquête publique complémentaire, ordonnée par la justice, riverains et associations appellent les habitants à se prononcer d’ici au 19 juin contre le projet TDN de l’industriel, destiné à traiter les effluents liquides radioactifs.

Par Audrey Sommazi(Toulouse, correspondance)

A Narbonne, à moins d’un kilomètre de la ville, se dresse un colosse du nucléaire. Sur son aire gigantesque d’une centaine d’hectares, Orano Chimie Enrichissement traite un quart du minerai d’uranium naturel mondial. Mais le site croule sous les déchets. Depuis sa mise en service en 1959, il produit de grandes quantités de déchets liquides, nitratés, radioactifs, dont la seule issue est un stockage sur place, dans les bassins d’évaporation ouverts pour que le soleil et les vents puissent en réduire le volume. Mais, au-delà d’une certaine concentration de nitrates, l’eau ne peut plus s’évaporer et les bassins sont saturés.

Un projet de traitement des nitrates (TDN) est censé résoudre cette problématique. Cette sorte d’incinérateur, qui intègre le procédé Thermal Organic Reduction (THOR), doit brûler dans un four à très haute température 350 000 mètres cubes d’effluents liquides stockés sur le site implanté au lieu-dit Malvési. Le procédé devrait donc permettre de résorber certains bassins de stockage de résidus et transformer une partie des rejets liquides en déchets solides sous forme de big-bags envoyés vers le Centre industriel de regroupement, d’entreposage et de stockage (Cires) situé à Morvilliers dans l’Aube, exploité par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs.

C’était compter sans trois associations (Rubresus, TCNA et Colère), toutes opposées farouchement au projet, et qui ont saisi les tribunaux. « Même si elle n’a pas répondu à l’ensemble de nos demandes, la justice reconnaît notre combat. Désormais, il appartient à la population de s’exprimer contre le projet TDN », exhorte Fabrice Hurtado. Le président de l’association Transparence des canaux de la Narbonnaise (TCNA) fait référence au jugement rendu le 21 octobre 2022 par la cour administrative d’appel de Marseille.

Le tribunal a pointé plusieurs vices relatifs à la création de cette installation autorisée par arrêté préfectoral en novembre 2017. Des irrégularités relatives à l’étude d’impact du projet datant de mars 2016 et à l’état de pollution des sols de l’usine ont conduit la cour administrative à accorder un délai de douze mois à la préfecture pour apporter de nouvelles informations mises à la disposition des habitants dans le cadre de l’enquête publique complémentaire.

« Enquête initiale bâclée »

« Le jugement montre bien que l’enquête initiale [du 5 septembre au 5 octobre 2016] a été bâclée, passant sous silence des éléments tels que le stockage temporaire des déchets solides très faiblement radioactifs et leur transport », déplore André Bories, président de Rubresus, association de protection de l’environnement et du cadre de vie de la basse vallée de l’Aude.

Jusqu’au 19 juin, les habitants de Narbonne et des communes de Cuxac-d’Aude et de Moussan sont donc invités à donner leur avis. Le maire (divers droite) de Narbonne, Didier Mouly, s’est prononcé défavorablement. Tout comme celui de Cuxac-d’Aude, Grégory Delfour (sans étiquette). Or, en 2016, ils étaient « pour ». « Ils ont enfin ouvert les yeux », se félicite M. Bories.

« De justifier la mise en œuvre du projet »

La cour administrative d’appel de Marseille a également estimé que l’avis de l’autorité environnementale, émis en avril 2016 par la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement de l’ex-région Languedoc-Roussillon, était irrégulier. En conséquence, la mission régionale d’autorité environnementale a été saisie par le préfet du département.

Dans son avis rendu le 6 avril, l’instance indépendante indique que si « des impacts du projet sur les milieux et la santé ne présentent pas un caractère préoccupant », elle recommande toutefois à l’industriel « de justifier la mise en œuvre du projet et les bénéfices attendus au regard de la situation actuelle » et « de proposer des solutions techniques visant à réduire les besoins énergétiques, les émissions de gaz à effet de serre et la consommation en eau du projet ».

Dans son mémoire en réponse, Orano Chimie Enrichissement, qui n’a pas répondu aux sollicitations du Monde, se défend en affirmant que le procédé THOR « a fait l’objet d’une comparaison poussée avec les autres solutions alternatives identifiées [destruction thermique des nitrates, électrolyse à membrane, traitement biologique, etc.] ».

Audrey Sommazi(Toulouse, correspondance)

tcna

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