Source: Capital Journaliste: THIERRY GADAULT https://www.capital.fr/entreprises-marches/areva-mox-services-attaque-en-justice-par-les-etats-unis-1328025
Les Etats-Unis accusent le consortium en charge de la construction d’une usine de conversion du plutonium militaire d’avoir fait rembourser des fausses factures. Un système illégal de rétrocommissions entre un fournisseur et des salariés du consortium a aussi été découvert.
Trois mois après que le Department of Energy a officialisé l’arrêt de la construction par Areva et son partenaire CB&I de l’usine de conversion du plutonium militaire en combustible nucléaire (Mox Services), les Etats-Unis ont annoncé, le 14 février, porter plainte contre le consortium franco-américain et l’un de ses fournisseurs, le groupe américain Wise, pour notamment fausses factures. La plainte, déposée auprès de la cour fédérale d’Aiken, en Caroline du Sud, l’Etat où était construite l’usine, accuse en effet Mox Services et Wise d’avoir fait payé au DoE des factures qui ne correspondait à aucun achat de matériels ou de services.
C’est en 1999 que Cogema (devenue Areva en septembre 2001, puis Orano en janvier 2018) signe, avec des partenaires américains, un protocole d’accord avec le DoE pour mettre au point une usine permettant de transformer du plutonium militaire en un combustible pour les centrales nucléaires, baptisé Mox (un mélange d’uranium et de plutonium). Les Etats-Unis sont alors en négociations avec la Russie pour reconvertir, chacun, 34 tonnes de plutonium militaire. Ce traité international sera signé en 2000. Dans la foulée, Areva et son partenaire américain Shaw (acquis depuis par son concurrent CB&I) obtienne le contrat pour construire une usine sur le site de Savannah River (Caroline du Sud), appartenant au DoE.
Le contrat est un classique du genre aux Etats-Unis en matière de chantier public : c’est un contrat “coûts + marges” (“costs plus fees”). Le consortium refacture donc au donneur d’ordre public (en l’occurrence l’agence publique NNSA dépendante du DoE) l’intégralité de ses coût et doit toucher des primes si les objectifs fixés dans le contrat sont atteints. A l’époque, en 2000, le coût de la construction est évalué à 1,4 milliard de dollars et l’usine doit être opérationnelle en 2005. Cinq ans plus tard, rien n’est sorti de terre : ce n’est qu’en 2005 qu’Areva dépose les plans du site auprès de son client et obtient ensuite son accord pour engager les travaux de construction.
Mais le coût final de l’usine ne va pas cesser de flamber, passant de 4,9 milliards à plus de 17 milliards, et son calendrier va totalement déraper. En 2016, un rapport du corps des ingénieurs de l’US Army estimait que l’usine ne serait pas opérationnelle avant 2045 ! De plus, durant toutes ces années, de nombreux rapports officiels vont mettre en lumière dans de multiples problèmes de construction et l’incompétence du consortium. Un chantier maudit que Capital avait révélé dans son numéro de janvier 2017. Selon la plainte rédigée par les Etats-Unis, CB&I Areva Mox services et son sous-traitant Wise ont mis en point un système de fausses factures permettant de faire payer au DoE des charges inexistantes. La plainte fait état de quelque 484 factures illégales de Wise au consortium, ce dernier adressant au DoE quelque 221 demandes de remboursements tout en sachant qu’elles contenaient des facturations illégales. Selon cette plainte, l’enquête menée par le DoE a aussi un mis en lumière un système de rétrocommissions entre Wise et des employés du consortium franco-américain.
Le montant des amendes que devront payer le consortium, dont Areva détient officiellement un tiers du capital, risque d’être salé. La plainte demande en effet que CB&I Areva Mox Services et Wise rembourse trois fois le montant de chaque facture illégale, plus des pénalités comprises entre 11.181 et 22.363 dollars par infraction. Concernant le système de rétrocommissions, la plainte demande le remboursement du double de la valeur de chacune des opérations de corruption, plus une indemnité maximale de 22.363 dollars par infraction. Enfin, les Etats-Unis demandent aussi au tribunal fédéral une amende contre le consortium pour avoir enfreint les règles du contrat.
Contacté par Capital, Orano a indiqué “apprendre ces allégations via un article de presse qui concerneraient les facturations d’un sous-traitant que nous ne contrôlons pas. Nous n’avons pas d’informations à ce stade. Concernant le contrat de l’usine, il a été résilié par le gouvernement américain pour convenance et nous travaillons ensemble pour définir les conditions de fin de contrat.”