Le gouvernement a annoncé en janvier son intention de faire perdurer la filière de traitement-recyclage du combustible nucléaire jusqu’aux années 2040. Une décision qu’Orano a anticipé en projetant la construction d’un atelier de production de dioxyde d’uranium dans son usine de Malvési, au grand dam des riverains.
- Narbonne (Aude), reportage
Une ligne est sortie de nulle part dans le dernier brouillon de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), dévoilé en janvier : « La stratégie de traitement-recyclage du combustible nucléaire sera préservée (…) jusqu’à l’horizon des années 2040. » Autrement dit, Orano va continuer à extraire du plutonium du combustible uranium usé pour fabriquer du Mox. Alors même que les réacteurs nucléaires qui utilisent ce combustible sont les plus anciens et vont fermer les uns après les autres, et que la filière de retraitement est régulièrement critiquée pour son coût et ses risques (vulnérabilité des piscines d’entreposage des combustibles usés en attente de retraitement, notamment).
Orano a discrètement anticipé cette annonce dans son usine de Malvési. Actuellement, le dioxyde d’uranium (UO2 ), l’autre ingrédient du Mox, est produit sur le site Framatome de Lingen, en Allemagne, qui va fermer en 2021. Donc, Orano a déposé en mai 2018 une demande d’autorisation pour un atelier de production d’UO2 , baptisé « nouvelle voie humide » (NVH), à Malvési. Un mois plus tard, le préfet décidait que cette demande ne nécessitait pas d’étude d’impact au motif que « les impacts prévisibles du projet sur l’environnement ne devraient pas être significatifs ».
« Emmanuel Macron a facilité les processus d’autorisation et voilà où nous en sommes »
Pour Me Arnauld Noury, l’avocat de l’association Transparence des canaux de la Narbonnaise (TCNA), « Orano a sorti une nouvelle demande du chapeau alors qu’il en avait déposé une concernant l’usine TDN peu de temps auparavant. Il a bien saucissonné les projets pour que, prise isolément, la demande pour NVH ne constitue pas un changement notable. Et comme il n’y a pas d’enquête publique, on n’a pas pu avoir accès au dossier de demande et on ne peut donc pas avoir précisément connaissance du projet ».
Une analyse dont se défend Cécile Lemierre, directrice de la communication d’Orano Malvési : « NVH est un projet à 50 millions d’euros qui vise à produire 150 tonnes de d’UO2 par an, ce qui est tout à fait annexe par rapport à notre production de tétrafluorure d’uranium[UF4] — 14 à 15.000 tonnes par an. Surtout, nous produisons déjà de l’UO2 , puisqu’il s’agit d’une forme intermédiaire de l’uranium entre le yellowcake et l’UF4 [1]. De plus, cette commercialisation de l’UO2 va nous donner l’occasion de moderniser un atelier et donc de réduire nos émissions d’oxydes d’azote. »
Mariette Gerber, médecin épidémiologiste et ancienne chercheuse à l’’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), dénonce une aberration : « Emmanuel Macron a facilité les processus d’autorisation et voilà où nous en sommes. Pourtant, la fabrication de dioxyde d’uranium nécessite l’injection d’hydrogène. En Allemagne, l’usine qui produit cette matière a récemment connu une explosion. » « L’atelier NVHrejettera 10.000 m3/h de gaz et 8.400 kg d’oxydes d’azote supplémentaires chaque année dans l’atmosphère narbonnaise », dit pour sa part André Bories, président de Rubresus. Rubresus et l’association Colère ont déposé un recours au tribunal administratif contre ce projet.