Devant une salle d’audience comble, qui comptait une cinquantaine de sympathisants et de militants des associations TCNA, COL.E.R.E et Rubresus mais aussi de Greenpeace, le tribunal administratif a examiné ce mardi matin les requêtes en annulation de l’arrêté préfectoral autorisant la construction et l’exploitation d’une unité de traitement des déchets nitratés de l’usine d’Orano à Malvési. Parmi les requérants, les associations Rubresus et COL.E.R.E contestent la légalité de cet arrêté en arguant notamment de l’incompétence du préfet à prendre ce genre de décision car il s’agit d’une installation nucléaire de base et que face au procédé choisi, Thor (élimination des déchets liquides par combustion), l’étude d’impact est insuffisante. L’association TCNA fait état pour sa part d’insuffisance sur l’évolution à prévoir de la pollution de l’air, de l’eau et du sol. Et elle met en avant la non-conformité de cet arrêté avec le Plan de prévention des risques technologiques et avec la convention de Barcelone qui protège la mer Méditerranée.
Plus c’est gros, plus ça passe
“Des gens vivent à proximité de l’usine de Malvési, une usine classée Seveso seuil haut, classée installation nucléaire de base. À la lumière de l’accident de Lubrisol, vous pouvez comprendre l’inquiétude des citoyens. En septembre 2018, un fût d’uranium a explosé dans l’usine”, a rappelé Me Marie-Pierre Maître du barreau de Paris qui représentait Rubresus et COL.E.R.E. Et elle a égrainé les incohérences comme “l’absence d’indépendance de l’autorité environnementale, c’est la même personne qui fait l’instruction et donne l’autorisation !”. Pour le conseil parisien, “il y a tromperie” sur la marchandise. “Si on avait dit aux gens qu’il s’agissait d’un incinérateur de déchets nucléaires, ils se seraient déplacés en nombre pour l’enquête publique et l’enquêteur n’aurait pas dit que cela n’a pas intéressé grand monde. Cela procède de la désinformation.” Me Arnaud Noury, du barreau de Lille, conseil de l’association TCNA, s’est étonné de l’efficacité du filtre au sommet de la cheminée prévue. “Cela retient 99, 9% des poussières ? Plus c’est gros, plus ça passe. Et c’est cela qui remet en cause l’étude d’impact. Tous les polluants de l’air ne sont pas pris en compte.”
Face à eux, Me Souchon a défendu les intérêts d’Orano. “La consultation publique a été exemplaire. Orano a apporté des réponses circonstanciées. Et dire que le procédé Thor est une expérimentation dont on ne connaît pas bien les conséquences est une contrevérité. Cela a été étudié avec rigueur. C’est la solution la plus robuste et la plus efficace qui permettra de produire moins de déchets que d’autres alternatives et qui seront acceptés par l’Agence nationale pour les déchets radioactifs. Sans compter que l’ARS, le Coderst, l’INAO, le SDIS et l’autorité environnementale se sont prononcés favorablement.”
Un rapporteur “inféodé” ?
Le rapporteur public, M. Lafay, a balayé d’un revers de code de l’environnement ou d’autres dispositions légales, les arguments des partisans de l’annulation de l’arrêté préfectoral. Il a indiqué que tout avait été réalisé dans les règles et qu’il n’y avait pas de raison de demander une nouvelle enquête publique. “Le caractère insuffisant de l’étude d’impact doit être écarté tout comme l’incompétence du préfet à prendre des arrêtés dans ce domaine”, a-t-il indiqué. Il a conclu au rejet des requêtes en annulation. Le tribunal administratif rendra sa décision dans 15 jours. Dans la majorité des cas, il suit les conclusions du rapporteur. À la sortie de l’audience, les militants étaient dépités et se demandaient si le rapporteur n’était pas “inféodé”.
Les arrêtés complémentaires et le permis de construire aussi dans le viseur
Trois autres requêtes en annulation ont été débattues. Deux concernait des arrêtés préfectoraux complémentaires au projet d’unité de traitement des déchets nitratés. Notamment la création d’un nouveau bassin et l’agrandissement d’un autre pour accueillir les boues nitratées. Pour les associations COL.E.R.E, Rubresus et TCNA, il s’agit d’une modification substantielle du site. “On a juste un porté à connaissance alors que c’est un projet d’ampleur qui va demander deux ans de travaux titanesques. Cela va avoir un impact immédiat et on ne fait pas d’enquête publique ? On ne tient pas compte de la loi sur l’eau. On ne va pas voir l’ARS, l’INAO, la commission locale de l’eau ?” s’est interrogée Me Maître. “Sur le long terme, la gestion des poussières, des eaux fluviales et souterraines sera améliorée”, a répondu Me Souchon pour Orano.
Une autre requête en annulation concernait le permis de construire délivré par la Ville de Narbonne le 7 juillet 2016, pour non respect de la loi littoral. Elle est portée par Rubresus. “Le maire a délivré le permis sans savoir quel était le projet. Il n’avait pas d’étude d’impact. Mais maintenant, il s’oppose au projet. Il a fait passer une motion en conseil municipal”, a souligné Me Karine Jaulin du barreau de Narbonne et conseil de Rubresus.
Le rapporteur a conclu aux rejets des ces requêtes.
Source originale: L’Indépendant
https://www.lindependant.fr/2019/10/01/tdnorano-devant-le-tribunal-administratif-il-y-a-tromperie-selon-lavocat-de-rubresus-et-colere,8450885.php